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Amphibiens de Champagne-Ardenne en Grand Est

Programme d'actions en faveur des amphibiens de Champagne-Ardenne en région Grand Est

Actions de restauration de la Trame Verte et Bleue en faveur des amphibiens dont la Rainette arboricole - Hyla arborea sur le territoire champardennais (bilan 2019)

Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement du Pays de Soulaines – Domaine Saint-Victor 10200 Soulaines-Dhuys.

Rainette arboricole @M.AUBRY

Résumé

La Rainette arboricole Hyla arborea est une espèce d’amphibien protégée et au bord de l’extinction en Champagne-Ardenne. Des actions d’aménagement sur les mares autour d’une des dernières populations connues en région ont permis de maintenir cette espèce et de répondre à ses exigences écologiques. Bien que le travail reste long avant de garantir la survie de l’espèce d’amphibien la plus menacée de la région, ce bilan permet un partage d’expérience et une ligne positive au temps où la biodiversité s’effondre.

 

Introduction

Depuis plus de 20 ans, le Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement du Pays de Soulaines basé dans le département de l’Aube (10) s’est spécialisé dans les expertises naturalistes, l’accompagnement des territoires et des énergies renouvelables, la recherche scientifique et l’éducation à l’environnement. Il œuvre dans ses domaines sur l’ancienne région Champagne-Ardenne mais également dans des programmes plus ambitieux sur la région Grand Est. Depuis sa création, les naturalistes de l’association, accompagnés par les professionnels de la région, ont présenté un fort intérêt pour l’herpétofaune et les menaces qui pèsent sur elle.

En Champagne-Ardenne comme ailleurs en métropole, les mares font l’objet d’un grand nombre de perturbations (comblements, retournements de prairies, pollution chimique, présence de poissons ou d’espèces végétales invasives, etc). Ces changements, souvent accélérés par rapport à l’évolution naturelle d’une mare, peuvent avoir un impact négatif sur les espèces qui la fréquentent.

 

Une situation préoccupante

Dans le cadre d’un « Observatoire » des amphibiens et des reptiles en Champagne-Ardenne initié pour l’amélioration des connaissances et la préservation des espèces, un inventaire complet spécifique à la Rainette arboricole a été mis en œuvre. Celui-ci s’est déroulé de 2009 à 2011 sur la totalité des territoires où l’espèce était connue ou suspectée par un collectif régional de naturalistes.

Les résultats de ces prospections ont mis en évidence une présence très diffuse de l’espèce en Champagne-Ardenne. Le plus gros foyer est localisé dans le département de la Marne (51) autour des massifs boisés de Reims et d’Épernay sur les secteurs de plateaux qui surplombent les coteaux du vignoble champenois.

D’autres petites populations sont réparties sur le reste du territoire dans des secteurs où l’espèce était présente historiquement (le Chaourçois et la vallée de l’Orvin dans l’Aube (10), la Bassée champenoise entre les départements de l’Aube et de la Marne et l’Argonne dans la Marne). Les effectifs de quelques chanteurs illustrent l’état critique de l’espèce et la fragilité de ces petites populations.

Ce premier constat a fait apparaître l’importance de réaliser des actions en priorité sur cette espèce en déclin même dans des secteurs connus.

Suite à cette enquête, l’Observatoire des amphibiens a continué ses actions et un Programme Régional en faveur des Amphibiens a été mis en œuvre de 2013 à 2018, ce qui a permis de poursuivre des actions de connaissance sur les amphibiens de Champagne-Ardenne. Aux vues des résultats de l’enquête sur la Rainette arboricole un état des lieux et des travaux ont été réalisés autour de la population du nord-ouest de la Marne, où la population semble la plus importante de la région en termes de sites.

 

Les actions apportées

Le lieu où la population est identifiée est caractérisé par un paysage bocager et forestier des étangs et des pâtures (bovins), présentant un réseau de mares encore bien conservé. La région naturelle appelée la « Brie des étangs » présente des milieux contrastés avec le paysage agricole qui domine habituellement le département de la Marne. Cette région encore assez préservée et favorable faisait état d’après les inventaires d’au moins 11 stations de chanteurs en 2009 lors de l’enquête.

Contexte paysager et réseau de mares

Afin de préserver au mieux cette espèce, la localisation exacte n’est pas décrite dans cet article.

L’objectif n’était pas seulement de créer des nouvelles mares dans un réseau déjà bien constitué mais de préserver les mares existantes qui nécessitaient une intervention humaine (colonisation trop abondante par les végétaux, envasement, piétinement par les animaux, assèchement précoce, etc).

Au total 7 mares ont fait l’objet d’une intervention. Les travaux sur les mares se sont effectués dans un périmètre proche (600m).

Toutes les mares se situent dans des prairies, souvent proche de la forêt. Le projet est fondé sur six restaurations et une création dans un même secteur. Les travaux se sont réalisés à l’automne 2012, soit dans la continuité de l’enquête.

Travaux sur une mare en 2012 @CPIE

 

Suivis et résultats

Pour donner suite au chantier de 2012, un suivi a été réalisé par le CPIE du Pays de Soulaines afin d’évaluer son efficacité (ou non). Comme beaucoup d’amphibiens, la Rainette est plutôt nocturne et s’active une fois le soleil couché. En 2014, une campagne d’écoute nocturne a eu lieu au début du moins de juin : au cours de la période de reproduction.

Les dernières données sur le site étaient issues de l’enquête de 2009-2011. Les 21 points d’écoutes suivis à cette date ont été de nouveau suivi en 2014 entre 21h et 00h. Sept points d’écoutes ont été positifs contre neuf lors de la campagne précédente.

Les mares créées et/ou restaurées faisaient partie de l’inventaire et l’une d’entre elles semblait déjà appréciée par l’espèce, dont au moins 3 mâles chanteurs ont été entendus sur le site. À l’époque ces résultats laissent penser à une stabilité apparente de la Rainette sur le site.

Mare « M4 » occupée par la Rainette arboricole en 2019 @CPIE

Au cours des années suivantes, un POP AMPHIBIEN COMMUNAUTÉ[1] a été réalisé sur les mares créées et restaurées ce qui a permis d’appréhender les espèces qui colonisent les nouvelles mares.

Bien que ces travaux aient eu pour but la restauration de l’habitat de la Rainette arboricole, il est évident qu’ils profitent à d’autres espèces. Sur les mares créées et restaurées, 8 espèces d’amphibiens ont été identifiés : le Triton crêté, le Triton ponctué, le Triton palmé, le Triton alpestre, le Crapaud commun, le genre Pelophylax regroupant les Grenouilles vertes, et enfin la Rainette arboricole.

L’intervention sur les mares de ce secteur peut être considérée comme une réussite. En effet, le retour ou la colonisation des mares par l’espèce ciblée a été identifié en 2014, soit moins de 2 ans après les travaux avec un mâle chanteur sur une mare restaurée. En ce qui concerne la mare créée, la première observation de l’espèce a été faite en 2016. L’arrivée des individus sur une mare peut être longue puisqu’il faut une certaine végétation dans la mare. La Rainette apprécie particulièrement les herbiers et les jonchaies où les jeunes peuvent se réfugier.

 

Année

2013

2014

2016

2017

2018

2019

Identifiant de la mare

M01 (restauration)

-

1 chanteur

1 chanteur

4 chanteurs

2 têtards

8 chanteurs

M02 (restauration)

-

-

1 chanteur

2 chanteurs

-

1 chanteur

M03 (restauration)

-

-

-

2 chanteurs

-

 

M04 (restauration)

-

-

3 chanteurs

1 chanteur

1 chanteur

1 chanteur

M05 (restauration)

-

-

-

-

-

-

M06 (restauration)

-

-

-

-

-

-

C02 (création)

-

-

1 chanteur

1 chanteur

-

2 chanteurs

Observation de Rainette arboricole après les travaux

Lors de la dernière prospection en mai 2019, la Rainette a été contactée sur une douzaine de station dont 4 mares où une intervention a été effectuée.

 Aujourd’hui les mares sont favorables aux amphibiens avec la présence d’une végétation aquatique abondante.

La Rainette arboricole étant en voie de disparition dans la région, sa présence continue sur la zone, voire en progression, apporte à cette dernière une grande valeur patrimoniale.

Têtard de Rainette arboricole en 2018 @M.AUBRY

 

Réflexions et perspectives

Il est important lors d’une intervention sur une mare (restauration ou création) de prendre en compte différents critères :

  • Période de l’intervention (hors période de reproduction),
  • Imperméabilisation du sol,
  • Respect de l’habitat existant et cohérence avec la trame verte et bleue
  • Présences des espèces végétales et animales (l’intervention ne doit pas s’effectuer au détriment d’une autre espèce patrimoniale ou protégée,
  • Pour des mares à destination de la Rainette arboricole il est important de garder une strate buissonneuse à proximité de la mare (les ronciers sont très prisés).

En effet, la conservation des mares n’est pas suffisante pour préserver la population de Rainette arboricole. La mare n’est que le lieu de reproduction de l’espèce où se développent les têtards.

Il est tout aussi essentiel de préserver des zones de buissons à proximité du site (ronciers, ourlets, haies) mais aussi des zones herbeuses qui permettent aux adultes de se cacher et de prendre le soleil.

L’entretien des milieux qui entourent la mare, s’il n’est pas respectueux, peut avoir un impact négatif sur l’espèce et ainsi causer la perte de la population. Un exemple à ne pas suivre est le broyage d’une ligne de buisson en période de reproduction.

Aujourd’hui, le CPIE du Pays de Soulaines s’est engagé dans un programme ambitieux : le PRAM. Il s’agit du Programme Régional d’Actions en faveur des Mares Grand Est. Accompagné par la majorité des structures environnementales de la grande Région et coordonné par le Conservatoire des Espaces Naturels de Lorraine ce programme a pour principal objectif de restaurer et créer des mares dans les objectifs de restauration de la Trame verte et bleue de la région.

En 2018, plus de quarante mares ont ainsi pu être créées en Champagne-Ardenne par le CPIE du Pays de Soulaines, la LPO, le CEN et l’association le RENARD. Les actions de sensibilisation ne sont jamais négligées dans ces programmes afin de faire connaître notre patrimoine naturel et l’importance des mares aux habitants, aux élus et aux professionnels.

Afin de poursuivre ce qui a déjà été accompli en faveur de la Rainette arboricole, des mares seront créées et restaurées autour des derniers noyaux de populations de la région dans le cadre de ce nouveau programme.

 

Remerciements :

Ce travail n’aurait tout d’abord pas été possible sans l’accompagnement financier de l’Agence de l’Eau Seine Normandie, de la DREAL et de l’Union Européenne grâce aux Fonds Européens de DÉveloppement Régional (FEDER).

Nous tenons aussi à saluer l’engagement des communes et des propriétaires qui ont permis la restauration de ces milieux.

Enfin les échanges avec nos partenaires locaux qui s’investissent dans des actions communes en faveur des amphibiens et de la biodiversité sont tout aussi bénéfiques : Association Nature du Nogentais, Conservatoire des Espaces Naturels de Champagne-Ardenne, Ligue Pour la Protection des Oiseaux Champagne-Ardenne, Regroupement des Naturalistes ARDennais, etc.

 

Bibliographie :

Barrioz M. & Miaud C. (coord.) 2016 – Protocoles de suivi des populations d’amphibiens de France, POPAmphibien. Société Herpétologique de France.

Rainette arboricole @M.AUBRY

 

[1]Programme permettant de caractériser la dynamique temporelle des populations et communautés d’amphibiens de France, Suivi de l’occurrence des communautés d’amphibiens : elle concerne l’ensemble des espèces de la communauté présente, au sein d’une aire composée de plusieurs sites aquatiques potentiellement colonisés. (La Société Herpétologique de France)

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